Sale temps pour Facebook en Allemagne. La justice annonce ce 7 novembre 2016 avoir ouvert une enquête à la suite d’une plainte pour “incitation à la haine” contre le patron du
réseau social, Mark Zuckerberg, pour manque de coopération contre les commentaires racistes.
Cette enquête à un stade préliminaire vise à “examiner si un agissement pénalement répréhensible peut être identifié” et si “le droit allemand peut s’appliquer” dans pareil cas, a indiqué à l’AFP un porte-parole du parquet de Munich, saisi du dossier, Florian Weinziel.
Les investigations ont été ouvertes pour examiner le bien-fondé d’une éventuelle poursuite après le dépôt d’une plainte par un avocat allemand basé en Bavière, Chan-jo Jun, a précisé le porte-parole. Selon l’avocat, l’enquête préliminaire vise Mark Zuckerberg et neuf autres dirigeants de Facebook.
“L’ouverture de l’enquête est une importante victoire d’étape car la dernière procédure engagée avait échoué à cette étape”, a commenté Me Jun dans un communiqué. En mars dernier, le parquet de Hambourg avait en effet rejeté une plainte similaire du même avocat au motif que les dirigeants de Facebook ne tombaient pas à son avis sous le coup de la législation allemande.
Des sanctions financières
Depuis, les critiques contre Facebook ont gagné en vigueur en Allemagne. Le gouvernement a déjà à plusieurs reprises mis en garde Facebook et d’autres réseaux sociaux en leur reprochant de se montrer trop tolérants vis-à-vis des utilisateurs exprimant des positions racistes ou antisémites.
En août dernier, un journaliste allemand avait réussi à infiltrer des groupes privés rassemblant des sympathisants d’extrême-droite présents sur Facebook. Il avait dénoncé les propos qui y étaient tenus mais aussi l’inaction de Facebook dont la politique est de ne contrôler les propos critiques qu’après signalement par un autre utilisateur du réseau. Ces groupes étant constitués de personnes partageant la même idéologie, il n’y avait aucune « dénonciation » et la haine pouvait s’exprimer à l’envi.
Quelques mois plus tard, un haut responsable du parti de la chancelière Angela Merkel, Volker Kauder, a menacé les réseaux sociaux, Facebook en tête, d’instaurer un système d’amendes si les contenus signalés ne sont pas supprimés assez rapidement. Il a avancé la somme de 50.000 euros par publication incriminée.
Le ministre de la Justice, le social-démocrate Heiko Maas, qui depuis un an négocie régulièrement sur ce thème avec les dirigeants de réseaux sociaux, a aussi jugé que ces sites pourraient être punis s’ils ne se pliaient pas aux demandes allemandes. “Si les contenus pénalement répréhensibles ne sont pas effacés de manière plus conséquente, nous allons devoir réfléchir à engager la responsabilité de Facebook et de Twitter s’ils ne font pas disparaître ces contenus malgré les signalements”, a-t-il dit en octobre au quotidien Handelsblatt.
“Cette épée de Damoclès est au-dessus des têtes des réseaux sociaux”, a-t-il ajouté, tout en notant qu’il leur laissait “encore le temps” d’agir.
“Pour la première fois il y a une volonté politique d’adopter des sanctions contre Facebook”, a estimé l’avocat à l’origine de la plainte.
Une tâche difficile selon Facebook
Des géants du Web dont Facebook s’étaient engagés en décembre 2015 à examiner et supprimer dans un délai de 24 heures les commentaires haineux qui se répandent en ligne en Allemagne, notamment à la suite de l’afflux de 890.000 migrants cette année-là, particulièrement visés sur les réseaux sociaux. Mais selon les autorités, les efforts de ces sites ne sont pas suffisants.
Facebook assure à l’inverse faire tout son possible, mais a insisté sur la difficulté d’accomplir cette mission, notamment pour différencier ce qui est pénalement répréhensible et ce qui ne l’est pas au nom de la liberté d’expression.